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Gorges du Dailley, symbole de l'engagement citoyen des Grandzains
09 / 06 / 2023
Un bloc de roche détaché de la paroi des Gorges du Dailley (les Granges sur Salvan) avait détruit les galeries permettant l’accès à cette sublime faille. Grâce à la mobilisation extraordinaire d’un groupe de villageois constitué en Association, elles sont à nouveau ouvertes au public !
Les Grandzains en sont fiers ! Unis dans la reconstruction des Gorges du Dailley finalisée ce printemps, ils ont maintenu « à flots bouillants » cet emblème naturel taillé dans la roche de chez eux : « Il est normal que l’on se mobilise pour ce joyau qui a traversé les âges, depuis nos ancêtres jusqu’à nous », résume Jérôme Python pour évoquer la puissance de l’engagement citoyen qui a permis aux Gorges de ressusciter après deux ans de fermeture au public et de travaux acharnés. Un bloc de roche s’étant détaché du sommet de la paroi, les escaliers abrupts furent emportés dans sa chute bloquant l’accès aux galeries qui permette d’admirer cette faille surprenante d’où jaillissent les eaux de Salanfe pour former dans leur course finale la fameuse cascade de la Pissevache.
Le Président de l’Association des Amis des Granges et du Bioley ne tarit pas d’éloges au sujet de la mobilisation qui a permis la remise en état des Gorges : « Nous retiendrons de cette épreuve l’incroyable mobilisation des villageois durant deux années consécutives. Ces travaux difficiles et exigeants ont permis à la 2ème et même 3e génération de marquer de leur empreinte l’histoire des Gorges. Nous sommes tous intimement liés par notre attachement commun à ces lieux ; ceux qui ont initié cette belle aventure, les anciens qui viennent encore lors des réunions que nous faisons à la laiterie ou au couvert du Dailley et les jeunes qui mettent la main à la pâte notamment lors des corvées. Nous sommes vraiment une bonne équipe d’amis, c’est ce qui fait notre force. » Environ 140 membres dans l’Association permettent de faire vivre ces Gorges du Dailley intimement liées à l’histoire et l’identité du village : « Elles font partie de notre patrimoine. »
Afin de reconstruire la partie supérieure endommagée du tracé, l’association a dû sortir plus de 50’000 francs de sa trésorerie : « Cette somme nous a permis de remettre à jour la partie sommitale, sans la passerelle, et de rouvrir les lieux au public. Désormais il ne faudrait pas que nous soyons confrontés à de nouveaux problèmes, car nous n’aurions pas la possibilité de financer d’autres travaux. »
Renaissance un siècle plus tard
Impraticables depuis la Seconde Guerre Mondiale (voir encadré Un peu d’histoire), les Gorges suscitèrent en 1992 l’attention d’un groupe de villageois qui organisaient le marché d’été. Sous son
impulsion, les Gorges allaient renaître et redevenir une curiosité sublime ! Pétris d’enthousiasme et convaincus de l’intérêt non seulement touristique, mais également de la valeur symbolique de ces lieux chargés d’histoire, ils entreprirent pendant trois ans à raison d’une corvée hebdomadaire les mardis de la bonne saison d’offrir une cure de jouvence à leurs Gorges : « Il faut imaginer ces bénévoles enchaînant des milliers d’heures à préparer les galeries puis les fixer à raison de moult acrobaties dans les parois verticales », évoque avec émotion Jérôme Python, qui voit l’aboutissement de cet engagement hors normes dans la création de l’Association des Amis des Granges et du Bioley à cette période, mais surtout dans la renaissance des Gorges en 1995 : « Tout juste un siècle après leur ouverture par Jean-Pierre Revaz ! Quel magnifique signe pour illustrer ce bel exemple de solidarité villageoise ! »
En hommage à 4000 heures de bénévolat
Onze ans de travaux vertigineux avaient en effet transformé ces bénévoles ultra dévoués aux allures de professionnels tour à tour en menuisiers, maçons, charpentiers ou pontonniers : mus par l’élan de cette prouesse technique et galvanisés par cet esprit de cohésion qui les caractérise si bien, ils créèrent dans la lancée l’accès au Vallon de Van par un double itinéraire qui longe la grande cascade du Dailley, offrant un second frisson aux visiteurs : « Grâce au bénévolat et à l’appui financier des nombreux Amis des Granges et du Bioley, les installations furent achevées pour l’été 2011. Admiratifs, nous ressentons le devoir de perpétuer l’œuvre de nos parents, de tous ceux qui ont mis toute leur sueur et leur abnégation dans cet immense labeur. »
C’est en effet en reconnaissance à ces milliers d’heures de bénévolat que les membres actuels de l’Association ont trouvé la motivation pour remettre en état les Gorges ayant subi ce nouveau déboire en 2021 : « En mémoire du travail de nos prédécesseurs et afin de perpétuer tout le travail accompli, nous nous devions de mettre autant de force et d’énergie pour maintenir ce joyau qui lie des générations de Grandzains ».
Un peu d’histoire
Symbole de l’union et de l’identité des habitants du petit village des Granges au-dessus de Salvan, les Gorges du Dailley sont le parfait exemple d’une aventure solidaire brodée d’abnégation qui a su rassembler les troupes et créer ce si particulier sentiment d’appartenance légué de générations en générations.
Au bénéfice d’une concession communale de 20 ans obtenue en décembre 1894, les habitants aménagent ces cascades de manière à les ouvrir au public dans un contexte de tourisme florissant de la Vallée du Trient. Un habitant en particulier porta ce projet audacieux tant et si bien qu’il put entreprendre la seconde phase de son rêve : l’installation du pavillon et la très audacieuse construction de galeries surplombant les chutes. Inaugurée le 29 juin 1895, les Gorges permirent ce jour-là aux autorités réunies de célébrer le courage de Jean-Pierre Revaz qui avait osé établir cette construction à ses frais. Une fois officiellement ouvertes, ces galeries qui mènent du Dailley à Van-d’en-bas ne cessèrent de susciter l’admiration. Différents exploitants des gorges se succèdent jusqu’en 1927, période durant laquelle l’entrée aux galeries coûtent 1 franc. Passée cette date, les gorges ne semblent plus exploitées, mais toutefois entretenues. Revenues de droit à la commune à la fin de la concession, elles subissent un premier incident avec les débris du premier tunnel menant à Van d’En Bas qui viennent obstruer partiellement le chemin d’accès. Elles demeurèrent impraticables jusqu’en 1992, date à laquelle un groupe de Grandzains décidèrent d’en reconstruire les galeries. Ce fut la renaissance des Gorges et le début d’une nouvelle aventure villageoise !